concept : des films pour réenchanter le monde – un éloge de la beauté

 

Charlie Chaplin disait en son temps que le principal dans une œuvre d’art était de montrer la beauté, la chose selon lui la plus difficile a atteindre. Pourquoi ?

La beauté est une manière d’être, un état d’existence. Selon François Cheng  : «  Le désir de beauté ne se limite plus à un objet de beauté ; il aspire à rejoindre le désir originel de beauté qui a présidé à l’avènement de l’univers, à l’aventure de la vie. Chaque expérience de beauté, si brève dans le temps, tout en transcendant le temps , nous restitue chaque fois la fraîcheur du matin du monde. » Belle, noble, et très périlleuse exigence ! Mais la création véritable n’est-elle pas à ce prix ? Car c’est une chose que l’esprit seul ne recouvre pas. Seule l’âme qui participe de l’essence de chaque être, était là entière dès avant la naissance et conserve intact l’unicité de chacun. Sur elle nous dit encore François Cheng «  Se concentre toute l’aspiration humaine à l’amour absolu, dans ce qu’il peut avoir de divin. »

Si on se penche sur l’art cinématographique cette exigence là , cette fulgurance de la beauté n’a été atteinte que par très peu d’artistes. Ce cycle va donc à la recherche de ces moments rares mais inoubliables que le temps ne peut  ternir d’aucune façon.

On pense bien sûr à Dreyer, Tarkovski, Murnau, Mizoguchi, Mac Carey, Eisenstein, Chaplin, Borzage, Rossellini et quelques autres où cette révélation a surgi sur l’écran, moment de grâce inoubliable à certains moments de leur carrière artistique. Quelques comédiens et comédiennes ont été révélés par cette beauté du regard venant d’une lumière qui sourd de la profondeur de l’Être. Rappelons-nous Renée Falconetti, Janet Gaynor, Charles Farrell, Margaret Sullavan, Birgitte Federspiel, Robert Powell, Ben Kingsley, Ingrid Bergman. Felicia Farr. Certains rôles ont été par la force de ce regard si puissants qu’ils ont fixé à jamais l’oeuvre dans l’éternité de l’art. Mais il a fallu une rencontre d’amour entre l’acteur et le créateur pour atteindre cette conquête du sublime.

Il a fallu à Leonard de Vinci inventer ce paysage brumeux, dans des formes de rocs et de lacs où éclate l’étrange songe d’un monde intérieur, pour que le visage de Mona Lisa, son sourire, son regard deviennent  « La miraculeuse manifestation de cette beauté virtuelle que promet l’univers dès son origine, d’une intuitive prise de conscience, celle d’un don qui vient de très loin » remarque François Cheng. Il a fallu que Frank Borzage invente son décor de chambre au septième ciel pour que Janet Gaynor et Charles Farrell s’y meuvent avec aisance et y rayonnent . La puissance de leur regard a fait le reste dans « L’heure suprême »

Dans « La Passion de Jeanne d’Arc » Carl Dreyer, c’est au contraire le corps et le visage isolés face à ses juges qui essaient de disséquer chacune de ses respirations qui permet de faire surgir chez Renée Falconetti derrière les traits écrasés et torturés de Jeanne le visage du divin. Dans un autre exemple encore, le saloon enfumé de « 3 heures 10 pour Yuma »réalisé par Delmer Daves ; où des hommes fatigués, rugueux, inquiets, aux mines patibulaires viennent s’abreuver après une longue chevauchée et dont soudain les visages se braquent sur le beau regard de Félicia Farr qui derrière le bar dans un sourire, une larme, un éclair fugitif, dans un imperceptible frémissement de peau nous en dit plus sur la compassion et l’amour que les plus beaux discours.

Le degré suprême de la beauté est la grâce, mais par le mot grâce, on entend aussi la bonté.

L’authentique création artistique passe par la voie orphique, celle qui porte l’empreinte d’Eurydice disparue.

La beauté comme rédemption, celle vue par Dostoïevski : « La beauté sauvera le monde »

Et en écho Romain Gary disait «  Il faut racheter le monde par la beauté : beauté du geste, de l’innocence, du sacrifice, de l’idéal. »

Pour conclure ce choix inné en moi de recherche de la beauté est aussi un remède efficace contre la peur. Il apporte la lumière et la légèreté nécessaires pour vivre, ou la certitude d’être en vie. Il permet de rencontrer la joie.

Un cycle de films pour nous aider a continuer le chemin qui comme vous le savez est parsemé d’épines.

Lionel Tardif

 

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